Séisme
« Tremblements de peur »
25 janvier 1946. 18 h 32. Un grondement qui semble venir des profondeurs de la terre ébranle le Valais. Le choc est terrible. De Brigue à Saint-Gingolph, on signale des dégâts. Rarement, un événement n’a eu une telle dimension collective dans notre canton. Est-ce l’arme atomique? Non! C'est un tremblement de terre, l’un des plus forts que la Suisse ait connu. Face à la catastrophe, les réactions de la population valaisanne nous apprennent bien des choses sur le poids de la religion, l’influence des experts et la manière d’aider les sinistrés à cette époque. L'historien de Chermignon Martin Bagnoud a fait de cet événement le sujet de son travail de master à l'Université de Fribourg, il transmet les résultats de sa recherche au fil de plusieurs articles mis en ligne au fil des semaines:
Introduction – Séisme du 25 janvier 1946: une recherche historique pour comprendre la catastrophe
Chapitre 1 – Le Valais, une terre fortement exposée aux risques sismiques
Chapitre 2 – Dégâts importants et bataille de chiffres
Chapitre 3 – Panique, confusion, angoisse et croyances
Chapitre 4 – Réplique de la peur, peur de la réplique
Chapitre 5 – Les mesures d’aide se multiplient, mais ne suffisent pas
Conclusion – Une société de la sécurité
témoignages d'Oscar Mudry, Monique Mittaz, Véronique Musy, Louisa Bonvin, Marie Bagnoud et Yves Naoux.
Glissement des mentalités et nouvelles perceptions du monde
Dans son mémoire de master, soutenu en février 2023 à l’Université de Fribourg, Martin Bagnoud propose une recherche originale, qui utilise le tremblement de terre de 1946 comme un révélateur. Comment un tel phénomène naturel devient-il une «catastrophe»? Que nous apprend cette catastrophe, la manière dont elle fut vécue, racontée et gérée, sur le Valais de 1946? Cette étude s’inscrit dans la lignée de «l’histoire culturelle de la perception des risques», pour citer l’historien François Walter. Elle combine une histoire des représentations, par lesquelles les individus donnent du sens à ce type d’événement, avec une histoire plus politique, qui analyse les réponses apportées par les autorités et d’autres acteurs sociaux.
Pour conduire cette recherche, l’auteur s’est appuyé sur une analyse fouillée de la presse valaisanne, complétée par d’autres publications et archives. Car la presse ne joue pas seulement un rôle d’information. Elle contribue à la mise en forme de l’événement, présenté selon un schéma narratif récurrent. Surtout, elle présente et privilégie telle ou telle lecture de la catastrophe. Dans quelle mesure la tradition providentialiste, attribuant le malheur à une punition divine et appelant les fidèles à la pénitence, recule-t-elle au profit d’une approche scientifique du phénomène? La frontière est-elle si tranchée entre le discours religieux et le discours des experts ? Quels savoirs sur les séismes sont vulgarisés par les journaux? Les intéressantes analyses proposées par Martin Bagnoud révèlent le glissement des mentalités valaisannes de l’époque vers de nouvelles perceptions du monde.
Quant à l’organisation des secours, l’auteur repère une certaine improvisation des autorités, il souligne l’importance du secteur privé, la prudence des compagnies d’assurances et les prémisses d’une politique de prévention. Ces éléments font écho à des préoccupations très contemporaines, non seulement face au prochain séisme dans notre canton, mais face aux transformations profondes de son environnement qui entraînent des risques majeurs.
Anne-Françoise Praz,
professeure d’histoire contemporaine à l’Université de Fribourg