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15.07.2024Stéphane Peterhansel, ou comment passer du Dakar à Crans-Montana

Peterhansel_2016_Keystone

Il est tout simplement le plus grand pilote de l’histoire des rallyes raids, mais aujourd’hui son grand plaisir est de piloter son VTT sur les chemins et sentiers du Haut Plateau. Stéphane Peterhansel, multiple vainqueur du Rallye Dakar, se plaît depuis longtemps à Crans-Montana. «Je peux me balader ou manger où je veux avec ma femme, je ne suis jamais importuné.» Il avoue se plaire beaucoup dans son chalet d'Aminona, et n'a pas l'intention de quitter ce paradis paisible.


Le bonhomme est né le 6 août 1965 à Echenoz-la-Méline en Haute-Saône. Mais aujourd’hui, plus encore que son palmarès, ses chiffres brossent un portrait de lui parfaitement inégalable. Stéphane Peterhansel, citoyen d’Aminona, détient en effet plusieurs records sur le mythique Rallye Dakar: 14 victoires, dont 6 en catégorie moto avec Yamaha (1991, 1992, 1993,1995, 1997 et 1998) et 8 en auto, avec Mitsubishi (2004, 2005 et 2007), Mini (2012, 2013 et 2021) et enfin Peugeot (2016, 2017). 

Au volant, il égale le record qu’on pensait inaccessible du Finlandais volant Ari Vatanen avec 50 victoires d’étapes. Ce à quoi il faut ajouter 33 victoires au guidon. Soit un total de 83: il n’est pas né le pilote qui dépassera cette marque sur le plus légendaire des rallyes raids. Seuls du reste Hubert Auriol et Nani Roma ont réussi, comme lui, à triompher sur deux et quatre roues.

Attablé à une terrasse ensoleillée de l’avenue de la Gare à Montana, c’est un Peter (son surnom) détendu et tout sourire qui commente pour la 10'000e fois son pedigree unique: 

«J’ai connu davantage de satisfactions que de déceptions. Quand je vois le cirque médiatique et numérique que font certains alors qu’ils sont à peine vainqueurs d’une course modeste, je me dis toutefois que je pourrais être parfois plus présent, notamment sur les réseaux.»


« Je n’ai pas d’ego »

«Je ne dis pas que je n’aime pas gagner, au contraire même! Mais je vous l’assure: je n’ai pas d’ego. Jamais eu besoin qu’on m’encense après mes victoires.» Il dit vivre tout ça de façon très intérieure. «D’ailleurs, c’est ce que j’apprécie le plus en Suisse, et plus particulièrement à Crans-Montana. Je peux me balader ou manger où je veux avec ma femme, je ne suis jamais importuné. La paix, la tranquillité, le bien-être qu’on ressent dans notre chalet d’Aminona, en dessous du bisse du Tsittoret, c’est tout ce à quoi j’aspire à cet âge de la vie.»


Champion de skate

Petit flash-back. À 8 ans, son père lui offre sa première moto et l'emmène dans les compétitions. À Stéphane la forêt, les reliefs, les grands espaces, et les circuits de moto-cross des environs de Vesoul. Ce qui ne l’empêche de chercher aussi ailleurs les sensations fortes. À l'âge de 14 ans, il devient ainsi champion de France de skateboard en catégories (Slalom, Figure Libre, Descente et Combiné). Il intègre l'équipe de France et participe aux championnats d'Europe. «Quand je sortais de l'école, c'était la pratique du skate jusqu'à la nuit», dira-t-il bien plus tard.


Tricheur bien sympathique

Le temps de l’écrire et il décide d’arrêter le skateboard et de se consacrer exclusivement à la compétition moto. Officiellement trop jeune pour être aligné en compétition, il remporte ses premiers enduros en s'inscrivant frauduleusement sous l'identité de son père, Jean-Pierre Peterhansel. Une technique qui lui vaudra ennuis et disqualifications quand la supercherie sera découverte...

Deux ans encore et il arrête l'école, avec le souhait de devenir pilote professionnel. Son père lui propose alors un deal: il le financera et l’entraînera une saison, mais en cas d'échec, le fiston devra intégrer l'entreprise de plomberie familiale. «Sans mon père, reconnaît aujourd’hui Stéphane, j’aurais sûrement recherché l’aventure un peu partout, mais sans faire la carrière de pilote qui est la mienne.»


Monsieur Dakar

Et Crans-Montana dans tout ça? «C'est une histoire particulière. Un pilote, ça se blesse tout le temps, ça se casse ceci ou cela, ça se déplace une chose ou l’autre. L’ostéopathe est donc une case quasiment obligatoire pour nous. Le mien, Jacques Schoepler, avait son cabinet littéralement au pied de la chapelle Notre-Dame du Haut à Ronchamp, en Haute-Saône, merveille d’architecture que l’on doit à l’artiste suisse Le Corbusier.» Et voilà que son thérapeute s’installe en Suisse, plus précisément à… Crans-Montana! «Il n’était pas question que je change d’ostéopathe, alors j’ai fait régulièrement le voyage pour mes soins. Je lui disais tout le temps: quelle chance tu as, cette vue, ce climat, ces paysages, cette qualité de la vie… Après ma séparation en 2001, j’ai opté pour un vrai changement de vie et j’ai acheté un chalet à Aminona, d’où je n’ai jamais eu envie de repartir.»


Cervin et Mont-Blanc

Peterhansel n’aurait aucun mal à soigner la promo du Haut-Plateau. «Nous habitons à 1550 mètres, et cette année, nous avons eu l’occasion de manger sur la terrasse en toute saison. Et puis nous sommes sur un replat à Aminona, avec un panorama à 180 degrés, du Cervin jusqu’au Mont-Blanc. Je vois ça depuis toutes les pièces du chalet, douche comprise. Je ne bougerai jamais d’ici, soyez-en certain!»

En fait, le pilote se fait volontiers dithyrambique s’agissant de la station et de ses alentours: «Contrairement au modèle de Val d’Isère, déserte hors saison, Crans-Montana est une petite ville à la montagne, avec une vie sociale intéressante et beaucoup d’événements variés, sportifs, culturels aussi. Mais comme mon épouse (qui est allemande et a piloté comme lui sur le Dakar), je préfère sortir des sentiers battus: peau de phoque, randos, VTT (en électrique également quand on a des envies de vitesse), vélo de route ou de descente…»


Sur Yamaha et sur… l’eau!

On est loin là du strass et des paillettes. «Notre credo, c’est un peu: pour vivre heureux, vivons cachés! Je sacrifie volontiers quelques contrats publicitaires pour rester à Aminona.» Ce qui n’empêche pas les Peterhansel d’apprécier un petit motocross par-ci, un petit rallye par-là, notamment en Italie voisine que les époux chérissent.

Chapitre projets, Peter est fidèle à sa marque d’une vie: «Yamaha relance un partenariat avec moi. J’étais par exemple dix jours au Maroc pour le lancement de la nouvelle Tenere, faite sur mesure pour le désert.» Loin du bruit des moteurs, il s’est mis à planifier avec Madame une échappée au long cours, sur un bateau à moteur, autour de la Méditerranée. «Ce mélange entre les beautés de la nature et l’émotion brute, voilà ce qui nous définit. Après, nous apprendrons bien à être marins!»

Par Jean-François Fournier