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04.03.2024Séisme du 25 janvier 1946: les mesures d’aide se multiplient, mais ne suffisent pas

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Cinquième chapitre de notre série consacrée au séisme de 1946: Martin Bagnoud fait le point sur les mesures d'aide qui se multiplient, mais sont bien loin de suffire à couvrir les frais. À Randogne, pour reconstruire l'édifice religieux Crételles, la société de chant s'active pour récolter l'argent nécessaire. Comme le dit l'historien: «Le tremblement de terre est avant tout une catastrophe financière»!


À l’instar d’autres catastrophes, les gestes de solidarité sont nombreux suite au tremblement de terre. Beaucoup d'entre eux proviennent de la population, qu'il s'agisse d'accueillir pour quelque temps une famille ayant dû fuir sa maison ou de laisser ouvert son café toute la nuit pour permettre aux gens de se réchauffer. Cette aide est la bienvenue, dans la mesure où les autorités cantonales rechignent, dans un premier temps, à la fournir aux propriétaires touchés.


Vulnérabilité financière de la population

En 1946, il n'existe pas d'assurance – obligatoire ou volontaire – prenant en charge les dégâts causés par un tremblement de terre. Ils reviennent donc aux propriétaires. En moyenne, le séisme coûte à chacun des sinistrés de la région de Crans-Montana plus de 2000 francs de l’époque (des chiffres probablement sous-évalués en raison de la méfiance qu’inspirent les communes à la Commission de secours). Il ne s’agit là que des dégâts de structure, les dommages au mobilier ou à la vaisselle ne sont pas comptabilisés. Le montant est très important dans un canton relativement pauvre comme le Valais. Dès lors, les gens réclament de l’aide pour faire les réparations qui s’imposent. Un habitant de Montana dit sa colère: 

«Dans les pays qui nous entourent l'État participe largement à la reconstruction des dommages de guerre, il n'y a pas de motif pour penser que notre pays ne fera pas moindre œuvre de solidarité pour ses ressortissants!». 

À Sierre, près de cent propriétaires signent une pétition afin de demander des mesures financières rapides. Les lettres qui s'accumulent montrent souvent la détresse des habitants, comme celle-ci envoyée au chef du département des Travaux publics: 

«Je vous prie Monsieur Anthamatten, de ne pas nous oublier, car nos ressources sont plus que modestes, il nous serait impossible de faire de telles réparations».

La pression est de plus en plus importante sur la Commission de secours pilotée par le Canton, qui se décide au mois de juin 1946 à organiser une action de secours inédite en Valais.


Des résultats mitigés

Une grande collecte populaire est lancée dans la presse valaisanne et nationale, afin de récolter de l’argent pour les sinistrés valaisans. Les dons semblent affluer de toute la Suisse. Des associations comme le Comité suisse de la Fête nationale verse 25'000 francs. Après de longues et difficiles négociations, les compagnies d'assurances contre l'incendie participent à hauteur de 100'000 francs. Le Canton du Valais avance le même montant. C'est au total 270'956 francs qui sont réunis. À cette somme s'ajoutent 358'249 francs versés fin 1946 par le Fonds suisse de secours pour dommages non assurables, un fonds créé par la Société suisse d'utilité publique qui vient en aide aux victimes de catastrophes naturelles. Au total, près de 630'000 francs sont donc réunis. La somme est en deçà des attentes, puisqu'elle ne couvre que 23% des dégâts privés. Le tremblement de terre est avant tout une catastrophe financière.

Pourcentage des dégâts couverts par l’aide aux communes*:

  • Sierre: 150'695 CHF (22%)
  • Sion: 56'349 CHF (13%)
  • Ayent: 56'236 CHF (30%)
  • Chippis: 41'936 CHF (27%)
  • Montana: 36'055 CHF (17%)
  • Chermignon: 31'593 CHF (23%)
  • Randogne: 16'705 CHF (43%)
  • Mollens: 7668 CHF (31 %)
  • Lens: 1738 CHF (14%)
  • Icogne: 2395 CHF (35%)

* Cette liste n'est pas exhaustive

L'action de secours est envisagée sous l'angle de l'assistance: elle est réservée aux personnes de condition modeste. Une échelle progressive s'applique dans l'attribution des subsides  ceux-ci dépendent du pourcentage de dommages admis en fonction de la fortune nette du sinistré. Nous constatons que ce pourcentage s’élève à 43% à Randogne. Les habitants de la commune étaient-ils plus modestes que ceux de Montana et Chermignon? La réponse à cette question nécessiterait des investigations plus poussées. Ce qui est sûr, c'est que beaucoup de sinistrés ne reçoivent rien. À Montana, le subside le plus important atteint 2000 francs, sur les 11'250 francs de dommages admis pour ce cas. Le traumatisme de la catastrophe laisse parfois place à la colère, comme cet habitant de Mollens qui s’écrie: 

«Je viens par la présente vous demander comment ça se fait que tous les autres sinistrés du tremblement de terre ont reçu [de l'aide]. Et nous, nous n’avons rien reçu!».

Par Martin Bagnoud

Source:

CH AEV, AC Montana, 2014/21, 9.7.2


L'exposition «Tremblements de peur» est à voir du 20 février au 24 avril 2024 à la Bibliothèque de Crans-Montana. Elle sera ensuite visible à l'EMS Le Christ-Roi (en juin), dans les jardins d'Ycoor (juillet-août) et au Centre scolaire de Crans-Montana à la rentrée. Les articles de Martin Bagnoud font l'objet d'une publication gratuite disponible à la Bibliothèque.