09.04.2024Tsittoret: un nouveau Gin exclusif, 100% Crans-Montana, symbole de la richesse des plantes de la région
Trente ans de cuisine, toujours au top et créatif comme jamais, Franck Reynaud lance une boisson extraordinaire à base de genièvre, distillat conçu avec le vigneron Pierre Robyr, qu’on ne trouvera que sur le Haut-Plateau. L’occasion d’évoquer aussi tout ce que l’on peut faire de bon avec les herbes de la région.
GaultMillau 18/20, une étoile Michelin, et des critiques dithyrambiques dans toute l’Europe: après 30 ans de carrière au Pas-de-l’Ours, le grand chef Frank Reynaud n’a pas fini de surprendre ses aficionados. Il vient ainsi de lancer un Gin exceptionnel qui ne sera commercialisé que sur le Haut-Plateau. «L’idée m’en est venue il y a dix ans déjà, raconte Franck. Car notre région est un paradis pour le genièvre, base de Gin. Mais cela ne fait pas tout: la Suisse compte plus de 200 Gins à elle seule. Alors, voilà deux ans, avec le vigneron Pierre Robyr, on s’est mis à la tâche et on a travaillé. Beaucoup même.»
Les ingrédients de cette potion magique? «Du genièvre frais. De l’aspérule odorante qui, chez nous, dégage quelque chose de la fève tonka et que j’utilise désormais plus volontiers en pâtisserie que la vanille. De la reine-des-prés. De la berce, que j’appelle aussi le Red Bull des montagnes et dont les graines apportent une touche pamplemousse et une belle amertume. De la bergamote citronnée. Et du poivre de Timut, cousin du poivre de Sichuan, qui renforce le côté agrume et pique le palais et la langue. L’ensemble fait très montagne…»
Un Gin durable et… barriqué?
À la dégustation, ce Tsittoret (du nom du célèbre bisse du XVe qui prend sa source dans la Tièche et devient la Raspille) raconte d’abord le genièvre des alpages, les agrumes et l’aspérule odorante. La bouteille est superbe, fermée avec un bouchon de liège et un lacet de cuir (un autre parfum de ce Gin), ce qui, ajouté aux herbes du coin, en fait une boisson festive qui respecte le concept de durabilité. «Un Gin exclusif et 100% Crans-Montana», se réjouit le président de la commune, Nicolas Féraud.
«On va également faire des essais en barrique, précise Franck Reynaud. Avec 100 litres sur les 300 de notre production, et dans une barrique de Syrah, avec l’adjonction de myrtilles séchées que nous avons trouvées à côté de nos genévriers. Le mariage s’annonce prometteur!»
Ricola à Darnona
Franck Reynaud n’est pas le seul à avoir vu le potentiel des herbes de la région. Sur l’adret valaisan entre la Lienne et la Raspille, on trouve de magnifiques plantes que d’autres savent valoriser, à l’exemple de Maurice Masserey, producteur à Darnona: «L’envol de notre business date de 1984, sous l'impulsion de la maison Ricola SA à Laufen. Une aventure appuyée scientifiquement par le Centre de recherches agronomiques des Fougères (Agroscope) à Conthey. Quelques cultivateurs ont planté du thym, de la sauge, de la mélisse et de la menthe. Ils se sont peu à peu regroupés en coopérative. La surface totale des terres exploitées représentait quelque 15'000 m². Elle a désormais dépassé les 350’000 m² avec plus de quarante variétés de plantes différentes.»
Ce qui intéressait le mythique fabricant de bonbons, c’est évidemment le climat valaisan. «Ici, on peut planter n’importe quoi qui s’apparente à une plante méditerranéenne, poursuit Maurice Masserey. Et on le fait dans les règles de l’art les en adaptant au sol qui convient, et en respectant les principes du Bourgeon Bio.»
À noter que des productions indigènes comme l’edelweiss ou la sauge ananas intéressent aussi les créateurs de parfums ou de cosmétiques.
Une distillerie à Icogne
Tout à l’Ouest, dans la petite cuvette ensoleillée d’Icogne, on trouve les terrains de L’Essencier de Guillaume Mayor. «Terroir sec, riche et propice, températures clémentes, tels sont nos atouts ici et plus largement en Valais, l’un des plus grands producteurs de plantes. On produit à 70% pour la coopérative Valplantes et à 30% pour les huiles essentielles de notre marque, vingt types de plantes sur 7,5 ha. Aujourd’hui, même Coop et Migros sont entrées sur le marché des plantes séchées et développent leurs utilisations gustatives dans l’agroalimentaire.»
La plante la plus typique – elles sont toutes labellisées Bio Suisse – pour Guillaume n’est autre que l’edelweiss: «Elle pousse bien chez nous mais également du côté d’Ayent. Elle est très demandée par l’industrie cosmétique. Nous transformons aussi l’edelweiss en hydrolat pour la parfumerie.»
Parmi les autres spécialités de cette distillerie, le mélèze d’altitude, exploité en collaboration avec les services forestiers, mais aussi le sapin blanc et l’arolle ou Pinus cembra en latin.
Les plantes alpines s’exposent au Scandia
Les sept principaux milieux naturels des hauts de Crans-Montana et de Lens ont été représentés dans de grands bacs en madrier de mélèze disposés sur la place du Scandia. «Cheminer entre ces bacs en juin-juillet permet aux visiteurs de reconnaître et d’identifier telle ou telle espèce de plante alpine avec son port, sa forme, la couleur de ses feuilles et de ses fleurs», note Charly Rey, concepteur de cet espace qui amène un peu de la nature en ville, souhait des autorités.
Emblématique de ce coin de pays, il y a le genêt radié ou genêt à rameaux rayonnants: «Un bel arbuste qui buissonne et constitue des landes de genêts, précise Charly Rey. On ne le croise que dans le Valais central entre Raspille et Lizerne. Ou alors plus loin, dans la vallée d’Aoste et sur la côte dalmate. Sa spécificité, c’est qu’il résiste aux incendies et revit à partir de sa souche.»
Plantes guérisseuses
Et Monsieur Rey de citer encore l’asphodèle blanc connu depuis le XVIIIe sur l’alpage d’Er de Lens, arrivée là par la magie des courants floristiques depuis la Méditerranée d’où elle est originaire, l’aspérule odorante (ou herbe a tourna en patois, que sa maman Élise servait en tisane calmante le soir), la violette ou pensée éperonnée des alpages (aux vertus expectorantes) et enfin l’impératoire des couloirs frais (dont les feuilles soignent plaies et contusions).
«Pour que les arbres et les plantes s'épanouissent, écrit le philosophe-agriculteur Pierre Rabhi dans son Manifeste pour la terre et l'humanisme, pour une insurrection des consciences, pour que les animaux qui s'en nourrissent prospèrent, pour que les hommes vivent, il faut que la terre soit honorée.»
Ainsi en va-t-il – et c’est une chance – de nos producteurs-cueilleurs du Haut-Plateau.
Par Jean-François Fournier