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12.02.2024«J’ai eu un coup de foudre pour ce terroir», dit Alex Stauffer, créateur d’une des meilleures syrahs du monde

Alex_Stauffer_syrah_Ollon

La fameuse Revue du Vin de France vient de classer sa syrah d’Ollon parmi les 60 meilleures du monde. À 45 ans, Alex Stauffer invente des vins d’exception; il prépare en ce moment son cinquième millésime. Rencontre avec un poète du vin dont les bouteilles citent Baudelaire et dont l'objectif est créer de grands vins le plus naturellement possible, sur les plus beaux terroirs valaisans.

Pour trouver sa cave – Le Vin de l’A – et sa maison, il faut sillonner les ruelles très étroites d’Ollon, sur les bas de la Commune de Crans-Montana. Puis on les déniche sous le même toit, toutes simples. Seul quelque matériel de vigneron-encaveur alentour signale sa raison d’être un laboratoire d’élevage de vins hors du commun. À 45 ans, le sorcier des lieux, valaisan et jurassien, les couve comme ses propres enfants. Et le résultat est bluffant, mais nous y reviendrons.

«Je devais atterrir ici, sourit Alex Stauffer. Quand j’ai découvert les lieux, les vignes alentour et leur terroir, j’ai eu un vrai coup de foudre; c’était ce que je cherchais pour me lancer dans le monde du vin.» Ce n’est pas un hasard si le bonhomme a posé son baluchon ici. «Les parents ont eu un appartement de famille à Crans-Montana durant quarante 40 ans. J’y ai même résidé un temps. J’éprouve donc un attachement pour cette commune depuis que je suis gamin.»


Débuts dans le pétrole et l’informatique

Rien ne prédestinait Alex à créer et élever de grandes bouteilles. «J’ai d’abord fait des études commerciales, avant d’évoluer dans le monde du pétrole, de l’informatique, du service et des multinationales.» Quand on dit "rien", il faut nuancer: «J’avais la passion de déguster les vins du monde, ceux du canton de Vaud où je résidais et ceux que je découvrais lors de mes voyages un peu partout. Et, en 2010, malgré un bon job et un très bon salaire, je me suis posé la question de savoir si ma passion ne pouvait pas se substituer à mon quotidien bien rangé. J’ai tâté du côté de la dégustation professionnelle; mais très vite, je me suis rendu compte que je n’en vivrais qu’à condition de la coupler à la vente et au placement de vins. Ça ne suffisait pas à combler mes attentes.»

Alors, il se lance, effectue un stage dans une cave valaisanne, avant de se présenter à un examen d’entrée à Changins, la Haute École de viticulture et d’œnologie. «J’y ai passé mon diplôme, malgré mon allergie de toujours pour la pratique scolaire.» Il travaillera ensuite deux ans au Château La Bâtie, sur le vignoble de Vinzel. Mais son ambition, une fois encore, l’oblige à foncer: «J’ai décidé de me lancer tout seul et je suis venu prospecter en Valais. D’où ma présence ici depuis 2017.»


De l’intuition à la consécration

Alex Stauffer se lance, survit à l’épidémie de Covid qui a vidé ses liquidités, et finit par s’entourer des compétences de Mathias Blatter, comme responsable des vignes dès cette année. Un pas capital pour Le Vin de l’A. 

Mais comment a-t-il fait pour se retrouver aujourd’hui auréolé de ce prestigieux classement mondial parmi les soixante meilleures syrahs de La Revue du vin de France? «J’ai beaucoup appris avec Fabio Negri, un type extraordinaire, œnologue chez Hubert Germanier à l’époque. Mais – je le dis sans avoir la grosse tête –, j’ai un truc avec le vin depuis des années. Je le comprends. Je le connais intimement. Je comprends aussi la vigne. Et j’ai intuitivement des idées pour chaque cépage, chaque assemblage.»


Un style très personnel

Le vigneron d’Ollon a un credo: «C’est à la vigne qu’on fait le bon vin. Trop d’encaveurs croient encore qu’on peut élaborer un vin d’excellence à la cave avec du raisin qui n’est pas parfait. Mon objectif est donc simple: passer ma vie sur la vigne pour sortir du raisin sans aucun défaut! C’est la clé d’un grand vin!»

Pour quel résultat dans nos verres? «Je recherche un côté digeste, une amplitude racée, de la finesse et de l’élégance, de la dentelle si vous préférez!  Je n’aime pas le sucre, je préfère de loin les vins secs.» Alex Stauffer réalise un travail complexe, il travaille vignes et vins selon les phases de la lune, il jongle entre les tonneaux superbes du grand tonnelier français Taransaud et les contenant en terre cuite ou en verre. Ajoutez à cela un ciblage haut de gamme de l’ensemble. «Parce que ce marché-là, j’y crois et que je positionne toute ma gamme sur ce segment.» 

Alors qu’il prépare son cinquième millésime, Alex Stauffer ajoute, fier de son travail: «Mes vins sont 100% biologiques, sans tricherie, et bien entendu certifiés. C’est valable pour mes 15'000 bouteilles. Trop d’encaveurs se prétendent bio, mais ne le sont pas en vérité. Pourtant, il s’agit là d’une exigence capitale sur les marchés porteurs.»


Les Fleurs du Mal

Le marketing n’est pas étranger à Alex. Il a créé par exemple cinq vins correspondant aux cinq poèmes de Charles Baudelaire sur le divin nectar: Le vin des amants, L’âme du vin, Le vin des chiffonniers, Le vin du solitaire, Le vin de l’assassin. Au dos de chaque bouteille ornée d’une police de caractères volontairement proche de son écriture, le vigneron a apposé un QR Code qui offre une belle surprise à l’amateur, le dirigeant sur un site où il lui interprète chacun des poèmes de Baudelaire. «J’aime que mes vins racontent des histoires, conclut-il. Cela me semble plus important que de courir les concours en quête de médailles qui n’ont de loin pas toutes de la valeur. Il y a trop de concours. Il vaut mieux désormais se présenter uniquement aux plus exigeants, à ceux dont le jury ne se résume pas à un entre-soi.»


Par Jean-François Fournier


Au pays des merveilles

Quelques pistes si vous rendez visite à Alex Stauffer. 

  • Le Vin du Solitaire, sa syrah récompensée, avec tous les arômes de la vendange, pot-pourri, pivoine, géranium, fruits noirs, épices; «une définition de la syrah septentrionale », conclut le grand magazine des vins de France. 
  • Le Vin de l’Alchimiste, une marsanne digne des plus grands vins de garde, une cuvée rare aux mariages magiques qui verra le jour tous les quatre ans.
  • L’Âme du vin, un pinot noir vieilles vignes vinifié partiellement en grappes entières avec une longue macération, suivie d'un élevage de douze mois dans le meilleur fût du chai, vin non filtré, mis en bouteilles à la main. 
  • Et puis notre coup de cœur personnel, Le Vin des Chiffonniers, assemblage de chasselas et de rèze, raisins récoltés à Ollon avec des rendements faibles sur des vieilles vignes, pressurage vertical, élevé en terre cuite et en fût de chêne.