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26.02.2024Jean-Marc Richard: «Pour moi, Crans-Montana rime avec solidarité et attention aux autres»

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Homme de radio, porte-parole de tous les gens qui n’y ont pas droit, Jean-Marc Richard est, à 64 ans, un exemple pétillant pour toutes les jeunes générations. L'animateur de La ligne de coeur témoigne, notemment, de la précarité qui existe chez nous aussi. Il dit ses liens très forts avec le Haut-Plateau.

Comment présenter en quelques mots une personnalité aussi connue, appréciée, multiple et insaisissable que Jean-Marc Richard? Homme de radio? Chantre des musiques populaires? Monsieur Loyal de tous les grands rendez-vous de la solidarité? Après réflexion, ce sont les paroles d’un petit géant à béret qu’il adorait qui le décrivent mieux que tous les discours. L’Abbé Pierre qui dit un jour de 1962 qu’«une civilisation se mesure à la qualité des objets de colère qu’elle propose à sa jeunesse.»  Oui, c’est bien cela: Jean-Marc Richard est un rebelle qui a su entretenir, cultiver ses révoltes.


Une humanité immense

L’Abbé, Jean-Marc l’a rencontré à plusieurs reprises. Notamment à Genève dans des circonstances pas banales: «Il y avait beaucoup de choses organisées pour sa venue: conférence, rencontres, émissions… Notre ami Jean-Philippe Rapp m’a glissé, le soir venu, "Va chercher l’Abbé Pierre et emmène-le manger, il n’a pas envie de se retrouver dans la foule de ses admirateurs". Il avait demandé à ne pas être logé dans la Genève du luxe, et Emmaüs Genève lui avait réservé une chambre modeste dans le quartier des Pâquis. Je le revois, presque timide dans le hall de l’hôtel. Nous sommes sortis, et je me suis senti obligé de lui expliquer les Pâquis, avec ses prostituées, ses noctambules... Il m’a dit: "Ça ne fait rien, c’est parfait pour moi!" On marchait, et à chaque vitrine, à chaque bout de trottoir, il saluait ces dames avec un grand sourire, et même, souvent, leur donnait la bénédiction. C’était ça, l’abbé: une humanité immense.»


Racines familiales avec le Haut-Plateau

Même s’il est toujours sur la réserve quand on aborde le sujet, Jean-Marc Richard baigne dans le solidaire. Il est la voix de La Chaîne du Bonheur, une des chevilles ouvrières de la Fondation Mère Sofia, et tant d’autres causes encore, dont certaines liées étroitement avec Crans-Montana.

Si sa femme aujourd’hui a restauré un appartement à Montana-Village, Jean-Marc Richard est un habitué du Haut-Plateau depuis des lustres: «Une tante et son compagnon que j’adore possèdent un chalet moderne et cosy à Crans-Montana. J’y allais souvent, mais ça me faisait toujours un effet spécial. Moi qui étais le porte-parole de Lôzane-Bouge, qui fut le président du premier Parlement des Jeunes, je me retrouvais dans une ambiance où la richesse s’étalait un peu partout. J’aimais surtout la morte-saison, à présent encore d’ailleurs.»


Fondations sociales

Ce couple – dont Jean-Marc est désormais proche aidant – devait jouer un rôle majeur dans son engagement social: «À l’approche de sa retraite, le conjoint de ma tante m’a confié qu’il voulait encore réaliser quelque chose "pour les autres" et il n’a pas tardé à me téléphoner pour m’embarquer dans une nouvelle aventure.»

Aux Briesses, le Monsieur avait acquis l’ancienne maison des Jeunesses ouvrières catholiques. Son projet? La retaper et la mettre à disposition des familles ou des associations qui n’avaient pas les moyens de venir à la montagne. «Je me suis donc retrouvé dans deux fondations à but social, sourit Jean-Marc Richard. L’une pour gérer la maison et aider ceux qui y venaient à financer leur séjour; l’autre pour aider les gens en difficulté. Ça n’a fait que renforcer mon lien déjà très fort avec Crans-Montana.»


Un pur et dur

Et Jean-Marc de taper du poing sur la table, en douceur, mais avec fermeté. Notre ami est un pur et dur: «Un pays riche comme la Suisse qui compte autant de distributions alimentaires, de soupes populaires, c’est un pays qui est malade. D’autant plus que 40% des gens qui y auraient le droit n’osent pas y recourir.»

«Je le vois bien en animant La Ligne de Cœurpoursuit Jean-Marc, la précarité, c'est aussi la solitude. Les Suisses ne comprennent pas la profondeur de ce problème. Mais, et j’y tiens, il ne faut pas laisser la solidarité à ceux qui s’en rengorgent: c’est à nous, Monsieur et Madame-tout-le-monde, de nous engager pour les autres.»


Retraite hyperactive

«Je dis souvent aux politiciens: "Écoutez La Ligne de Cœur! Vous aurez l’heure exacte!  Celle de 50'000 auditeurs!"  À l’AVS ou à l’AI, comment voulez-vous que les gens s’en sortent? Leur réalité, c’est la pauvreté. Je vais continuer à me battre: on ne peut défendre des nécessiteux à l’autre bout du monde, si on n’est pas capable de se bouger pour nos propres pauvres.»

Richard Cœur de Lion n’est pas prêt à baisser les bras: «Ma vie, c’est le solidaire, et je peux faire tout cela grâce au soutien de ma femme… Treize ans de Ligne de Cœur et autant de soirées à ne pas pouvoir rentrer à la maison. Mais je vais continuer, dans tous les domaines…»

Le futur retraité, très respecté par nos confrères alémaniques, va en effet continuer à gérer le dossier des musiques populaires à l’échelon national, jusqu’à la fête fédérale de 2027: «84% des musiciens suisses proviennent de la musique populaire. Il faut respecter cela. N’en déplaise aux pédants: c’est une vraie culture, à choyer, à développer.»


Combat pour la SSR

Hors combats sociaux, notre interlocuteur insiste encore sur un engagement qui lui correspond en tout point: «Je suis bien placé pour comprendre tout ce que la SSR peut apporter pour défendre notre musique, notre culture populaire. Alors, sans hésiter, je vais m’engager pour garder la meilleure redevance possible pour la Télévision et la Radio suisses. Non par égoïsme, mais parce qu’elles permettent aux citoyens de base de prendre du plaisir et d’être éduqués par la bande.»

Par Jean-François Fournier