20.12.2024Manifeste pour la création d’un service culturel à Crans-Montana
«À Crans-Montana, la culture est – au mieux – considérée comme un élément de la politique touristique», note Jacques Cordonier. L’ancien chef du Service de la culture du Canton du Valais résume en une phrase le rapport rédigé par Pierre-Alain Hug, politologue et ancien directeur de l’Office cantonal de la culture et des sports du Canton de Genève. L’avis de ces deux spécialistes des politiques publiques culturelles est précieux: la Commune de Crans-Montana souhaitait une photographie du moment de la vie culturelle, elle dispose maintenant d’un état des lieux fouillé, qui est allé bien au-delà de son territoire: en effet, explique d’emblée Pierre-Alain Hug, «au vu des imbrications existantes, il est rapidement devenu évident que la réflexion devait englober l’ensemble des trois communes.»
Offre riche, pour tous publics
Premier constat de l’observateur: «À Crans-Montana, la culture est riche de sa diversité, de la plus populaire à la plus élitiste, de la plus rassembleuse à la plus distinctive. Cette multiplicité permet la juxtaposition de plusieurs publics. Hôtes et habitants disposent d’un vaste choix.» Cette offre, constate Pierre-Alain Hug, peut être regroupée en trois domaines tout à fait complémentaires: l’événementiel d’une part (concentré sur le plateau), le patrimonial (notamment à Lens), enfin l’associatif et créatif (essentiellement dans les villages). L’auteur du rapport souligne d'autre part la place importante qu’occupe la culture des idées à Crans-Montana. «Il y a une vraie force dans les échanges et réflexions intellectuelles (Swiss Made Culture, Opale, Amitalia, Art-Ethno-Archi, Montagn’Arts, etc.). On débat du passé, du présent, de l’avenir.»
Deuxième constat: «La culture est principalement jugée à l’aune du tourisme.» Comprenez: les événements culturels sont des produits d’appel dont on attend qu’ils génèrent des nuitées touristiques, ils sont des animations destinées à divertir vacanciers et visiteurs. «Aujourd’hui, soutient Pierre-Alain Hug, Crans-Montana a l'opportunité de passer d’une vision de la culture comme élément de loisirs, ou de prestige, à la construction d’une véritable identité.»
Opacité et dispersion
Autre problématique: l’opacité. Pierre-Alain Hug constate une absence de cohérence et une étonnante manière de distribuer les subventions. «Le parcours de celui qui souhaite demander un soutien financier est compliqué. Si un nouvel acteur culturel arrive, il a peu de chances de réussir. Tout est fragmenté, avec une gestion éclatée, sans coordination, avec une communication peu cohérente et dispersée. C’est dommage!» Car aujourd’hui déjà, Crans-Montana se démarque, notamment avec la musique. «Fanfares, chorales, saison classique, festival électro, festival de jazz. La musique est le seul élément que l’on trouve partout sur le territoire des trois communes. Elle est l’élément fort, tant sur le plateau touristique que dans les villages, avec des amateurs comme des artistes de très haut niveau. Et la région est un vivier de talents.»
Nommer un délégué(e) à la culture
Si le rapport Hug met en évidence les problématiques, il amène aussi des solutions. Selon lui, le moment est venu de créer un service de la culture intercommunal. «À sa tête, une personne chargée de gérer l’entier des fonds et des activités culturelles des trois communes de Crans-Montana, Icogne et Lens. Cela impliquerait de réunir sous la houlette de ce futur service l’ensemble des budgets, d’unifier les procédures de demande de soutien et d’attribution des subventions. Que ce soit pour de petits comme de grands événements, chaque organisateur n’aurait qu’un seul interlocuteur. La personne déléguée à la culture aurait ainsi une vue d’ensemble, facilitant la création de passerelles entre les acteurs culturels d’une part, mais aussi la cohérence et la communication.» Une plus grande clarté découlerait de cette réorganisation. «Crans-Montana deviendrait, de plus, un interlocuteur et partenaire légitime à l’extérieur.»
Le cinéma, lieu unique
Pas de temple dédié à la culture à construire, ni de salle de spectacle: Pierre-Alain Hug suggère de capitaliser sur l’existant. «La salle de cinéma, déjà utilisée par plusieurs organisateurs d’événements, est un lieu unique à Crans-Montana, auquel s’ajoutent les autres salles dans les villages ou, à Lens, la fondation Opale. Ces lieux forment un ensemble riche de lieux potentiels d’accueil de la culture. L'histoire du cinéma de Crans-Montana est riche, mais pâtit du contexte actuel compliqué de l’industrie du film, comme tous les cinémas. La salle convient parfaitement à la tenue d’événements sous forme de rencontres, de débats, de conférences.»
Le mot de la fin à Pierre-Alain Hug: «Crans-Montana est une petite ville à la montagne, elle peut se donner les moyens d’agir comme une ville! Elle sera parmi les premières régions de ce type à se doter d’une politique culturelle et à engager une personne déléguée à la culture.»